Le théâtre médiéval
Il faudra aller au-delà de l’an mil et de son cortège d’angoisses de fin du monde, pour retrouver le théâtre, à nouveau suscité par la religion. En latin d’abord, en langue ‘vulgaire’ (du pays, du peuple) ensuite, il renaît dans toute l’Europe et prendra respectivement la forme du drame liturgique aux XIe et XIIe siècles, du Jeu au XIIIe siècle, du Miracle au XIVe siècle et du Mystère aux XVe et dans la première moitié du XVIe siècles.
Le drame liturgique
Joué à l’intérieur de l’église, le drame liturgique a pour mission d’illustrer les Ecritures saintes en en ‘jouant’ des passages célèbres dans de courtes scènes se déroulant dans le chœur ou la nef de l’église.
Physiquement très proches du public (des fidèles) donc pas de distance, pas de scène, les acteurs sont des prêtres ou des clercs, peu costumés, qui dialoguent par ‘tropes’, des interpolations dans les textes sacrés. Les textes en latin sont progressivement entrecoupés de passages en langue populaire, ce qui contribue largement au succès de ces pièces auprès du public (enfin, il comprend).
En 1165, le ‘Drame d’Adam’ (auteur anonyme) marque un véritable passage vers le théâtre : le dialogue y est enlevé (entièrement en langue ‘vulgaire’), l’acteur se déplace entre deux décors, dans l’action.
Le Jeu et le Jeu profane
Au XIIIe siècle apparaît le Jeu, sorte de drame liturgique beaucoup plus long (on passe de 100 à 1000 vers. Le Jeu se caractérise par les sujets traités en marge des Ecritures puisqu’il introduit, dans le thème religieux, des anecdotes, des légendes populaires. Les auteurs sont souvent anonymes. On retiendra toutefois un nom : à la fin du XIIe siècle, Jean Bodel, considéré comme le premier auteur dramatique français a écrit ‘Le Jeu de Saint Nicolas’, un drame liturgique qui tient plus du roman d’aventures que du récit religieux.
Ces Jeux profanes ont la faveur du public ; c’est ainsi qu’ils seront introduits entre les Jeux d’inspiration religieuses ; ils se dérouleront hors de l’église.
Adam de la Halle écrira des Jeux profanes restés célèbres : le ‘Jeu de la Feuillée’ et le ‘Jeu de Robin et Marion’, dont on dit qu’il s’agissait du premier opéra-comique français (le texte, en octosyllabes était accompagné de musique).
Ces Jeux profanes étaient montés par les ‘Puys’, sociétés de comédiens laïcs (participant aussi aux Jeux religieux).
Le Miracle
Cette fois, le jeu se déplace sur le parvis de l’église. C’est le Miracle, qui raconte la vie d’un saint ou une légende historique, un fait divers se terminant par l’intervention du saint, qui arrange tout. Le plus ancien miracle est du trouvère Rutebeuf (1270) et s’intitule ‘Le miracle de Théophile’.
Le Miracle s’est installé pendant tout le XIVe siècle, qui est aussi celui de la guerre de Cent Ans. Ce qui expliquerait qu’au cours du temps, ces œuvres aient été d’inspiration de plus en plus morbide, pour répondre aux attentes du public (c’étaient un peu les films d’horreur de l’époque).
« Tirés de ‘causes célèbres’, de drames légendaires quelque peu historiques, des épopées du passé, on peut dire que les Miracles contiennent en germe les théâtres élisabéthains et jacobéens : ‘histories’, tragédies à la ‘Macbeth’… » (André Degaine, Histoire du théâtre dessinée, p. 87.)
Le Mystère
Apparu au XVe siècle, le mystère se joue sur le parvis, mais aussi sur la place publique. Le mot vient du latin ‘ministerium’ qui signifie : ministère, service public. Nous retrouvons ici, comme en Grèce, la notion d’enseignement, de service public (ici, l’histoire sainte) offert à l’ensemble de la population, toutes classes confondues, sous la forme d’un divertissement.
Le Mystère se joue devant la ville entière, pendant plusieurs jours, aux grandes fêtes religieuses comme Noël, Pâques et la Pentecôte. Il met en scène deux cents personnages, parfois cinq cents, et une centaine d’acteurs est nécessaire pour le jouer, sans compter les figurants. Ces acteurs jouent sans aucune unité de lieu, de temps ou d’action, à même la place publique, devant des tribunes surchargées de spectateurs.
Pas de coulisses, tout doit être montré. Les comédiens sont parfois confrontés à de réels dangers pour combler le goût du réalisme à outrance de l’auteur du mystère. Invention des ‘mansions’, des ‘maisons’ (sortes de mini-scènes représentant un lieu, une mansion-auberge, une mansion-palais…)
Partout se créent des ‘confréries’, énormes troupes d’acteurs amateurs masculins rassemblant des prêtres, des nobles, des bourgeois, des artisans. A Paris, le monopole du théâtre religieux est donné aux ‘Confrères de la Passion’ (troupe créée en 1398) et durera pendant plus de 400 ans (jusqu’à la révolution française).
Quant aux auteurs des mystères, ce sont des hommes de théâtre complets. Pour eux, le texte n’est qu’une des composantes de la représentation. La mise en scène est primordiale et doit garantir le réalisme de l’œuvre. Le mystère français rayonnera dans toute l’Europe.
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- le temps de Voltaire (1694-1778), de Marivaux (1688-1763)
- Le Boulevard du Temple… Boulevard du Crime
- 1791 : enfin, la liberté des théâtres en France
- Au XIXe siècle
- Fin du XIXe, XXe siècle : les metteurs en scène
- Les années soixante
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